Le Moulin Canard

Dès 1919, la reconstruction du moulin

Source :  Cliché Charles Masson, dépôt Marie-Christine Garapon 2020

Historique

Source : Article de l'Abbé GEOFFROY dans le journal paroissiale Rencontres n°40 de février 1967

Relu et complété par Sylvie Bédué Canard en décembre 2020

 

      Avant-propos : Rencontres présente aujourd' hui la plus ancienne industrie locale : la meunerie. Et la famille Canard, qui exerce cette activité à Fère, est certainement une des plus anciennes familles implantées dans la région.

     Encore une fois, rappelons que notre but n'est pas de chanter les louanges d'une firme ou ceux qui la dirigent, mais de renseigner les lecteurs sur une activité très liée à une production importante du coin : les céréales.

 

    La meunerie est sans doute l'une des premières industries qui apparurent sur la terre. Vieux métier, qui fut longtemps guidé par le seul empirisme, elle offre l'exemple d'une activité lié à l'évolution générale de l'humanité, activité dont le progrès technique a été conditionné en grande partie par les exigences de l'homme à l'égard des produits du sol et de leur préparation.

    Les premiers moulins étaient faits de deux pierres entre lesquelles on écrasait les grains, puis on eut recours au mortier ; plus tard apparut la meule (Égypte, 2ème millénaire avant J.C).

Jusque vers le milieu du XVIIIème siècle, la meunerie a un caractère essentiellement artisanal. Dans notre région, la force utilisée est l'eau. L'Ourcq a son cours jalonné  de moulins : Ronchères, Cierges, Sergy,  le moulin-Vert, le Petit-Moulin et le moulin Rollequin, à Fère, Saponay, Trugny, Givray, etc....

    Le meunier se contente d'écraser imparfaitement le grain pour produire la "boulange", qui est le résultat de la mouture sans séparation des produits : son, farine, semoules et gruaux demeurent mélangés. Cette boulange est reprise par les boulangers ou par les particuliers, lesquels effectuaient les opérations conduisant au pain.

     Le blutage, assez sommaire, se faisait au tamis à main. Le pain était la base de l'alimentation.

 Vers 1750, l'outillage des moulins se perfectionne, le meunier ne se contente plus d'écraser les grains, il procède lui-même au blutage.

      A partir de 1815, la mouture comporte des "reprises" plus nombreuses et plus poussées. D'importants progrès techniques sont réalisés principalement dans le domaine du nettoyage du blé qui n'était pas pratiqué jusque-là et dans celui du blutage qui se fait maintenant par bluteries rondes.

    Le moulin requiert une force motrice plus importante et souvent une installation thermique vient doubler la force hydraulique devenue insuffisante.

     Dans le Tardenois, au moins quatre générations de père en fils d'une famille de meuniers se sont succédé  entre 1850 et 1980 :  c'est la famille Canard.

     Le premier des quatre meuniers est César Canard (1822-1890), il exploitait en 1870 le moulin situé à l'entrée de Coincy sur le ruisseau l'Ordrimouille.  Une locomobile à vapeur doublait la roue hydraulique pendant les basses eaux.

     Son fils Rose Canard (1858-1947), vient s'installer en 1884 au Moulin-Vert (photo ci-dessous), situé sur l'Ourcq, terroir de Villers-sur-Fère. Le  moulin écrasait dix sacs de blé par jour.


Source : photos collection Jean Jacques Hoquet, cartes postales écrites par Marcelle Canard en 1905.

     Au  "Petit-Moulin", situé à la sortie de Fère, route de Dormans (photos ci-dessus), la roue hydraulique faisait tourner une double installation. Les bâtiments côté Villers abritaient une filature. Côté Fère, se trouvait le moulin à blé. L'ensemble appartenait à M. Colling. La filature est incendiée en 1888, et M. Colling appelle Rose Canard pour exploiter le moulin à blé équipé de trois paires de meules et pouvait écraser quarante quintaux par jour.

    A cette époque, une révolution apparait en meunerie ; l'appareil à cylindres va remplacer la paire de meules.

le diagramme de mouture va devenir un schéma complexe.

    En 1896 , le premier appareil à cylindre est installé au  "Petit-Moulin" et une turbine va remplacer la roue.

    En 1912, Camille Canard (1890-1979)  succède à son père Rose Canard et achète le moulin qui écrase alors soixante quintaux par jour.

     L'installation de bluteries planes ou "plansichters" permet d'augmenter la puissance du moulin qui écrase quatre-vingts quintaux par jour à la déclaration de la guerre. L'éclairage électrique fourni par une dynamo venait d'être installé dans le moulin et le premier camion vient de remplacer les attelages de chevaux.

     En 1914, Camille Canard part au front et sera blessé à Verdun en 1916. Son épouse Henriette aidée de son beau-père Rose Canard, fait tourner le moulin pour le ravitaillement local jusqu'en 1917.

      Lors de la reprise de Fère, en 1918, l'artillerie française installée sur les hauteurs de Villemoyenne, détruit le moulin.

     Puis, la guerre terminée, Camille Canard s'attelle à la reconstruction du moulin et peut enfin fonder une famille. Naîtra un an après l'armistice, François Canard (1919-1999) qui sera le quatrième et dernier

meunier de la famille (François fera tourner le moulin de 1948 à 1983).

Henri Prieux, Fère-en-Tardenois, de la belle époque à l'ère industrielle, tome 2, page 260

     Le petit moulin est mis en route en 1920 et sa puissance a été portée à cent cinquante quintaux par jour. A cette époque, dans le canton, il ne reste plus que deux moulins en activité : Rollequin et

le Moulin Canard.

   De 1920 à 1926, on notera l'installation du blé par lavage, le changement total du matériel en 1948, extension des silos à blé et à farine, livraison pneumatique des farines en vrac.

     Le moulin de Rollequin cesse d'écraser en 1960. En 1967, le moulin Canard reste le seul moulin du canton, il continuera à tourner jusqu'en 1983.

 Il peut écraser deux cent soixante quintaux de blé par 24 heures, soit annuellement la moitié de la production de blé du canton.

     La meunerie n'a pas attendu les recommandations des planificateurs d'aujourd'hui pour se concentrer.

Des 25 moulins du canton de Fère qui tournaient il y a un siècle, il en reste un seul en 1966. Pour la France entière, les chiffres sont les suivants :

       1900 : 75000 moulins

       1938 :   9300 moulins

       1966 :   2400 moulins

     Le moulin Canard a un contingent de 60000 quintaux de blé par an.

 Ses débouchés sont les suivants :  un tiers de farine alimente la boulangerie locale.

                                                                      un tiers de farine va en biscuiterie: Biscuits Belin.

                                                                      un tiers de farine est exporté hors d'Europe.

     L'activité exportation date d'une dizaine d'année. Les farines sont expédiées en général sur les pays de l'est : Russie, Égypte, Syrie, Liban, Indonésie, Chine, Nord-Vietnam, Corée du Nord, etc...

 Il est peut-être intéressant de savoir qu'en ce moment, tous les dix jours, quarante tonnes de farine quittent la gare de Fère et sont embarquées à Rouen sur des navires qui cinq semaines plus tard déchargent leur cargaison de farines françaises à Séoul. Quelques milliers de Coréens mangent en ce début 1967 du pain fabriqué avec du blé qui a mûri sur les plateaux du Tardenois.

      Sur le plan de l'emploi, la meunerie est très automatisée. Dans le circuit blé en vrac, la main de l'homme n'intervient pas. Aussi, malgré le tonnage de produits manipulés, les besoins humains ne sont que de l'ordre d'une dizaine de personnes, dont :         

           Mesdames : Virginie Chevalier, Annie Doffémont (1965 à 1968), Jeannine Levasseur.

           Messieurs : Roger Charles, Beugnet, Jean, Oudin, Mathieu, Servas.

   

François Canard "le dernier meunier du moulin Canard, de 1938 à 1983".

Photos dépôt Sylvie Bédué née Canard


L'alimentation du bétail Vit'ardenois

     Les établissements Canard et Compagnie  ont commencé à s'intéresser à la fabrication des aliments composés en 1946. Les premières fabrications démarrèrent  dans le moulin à blé  puis elles sont poursuivies dans les locaux situés à "la Fontaine-sous-Pierre" (commune de Seringes, photo ci-dessous).

Source : photo Jean Jacques Hoquet (2000)

    En 1963 la production annuelle atteignait 3300 tonnes. Les installations, malgré de fréquents agrandissements étaient devenues trop exigües et péchaient également par leur manque de productivité.

     C'est alors que François Canard envisagea un transfert dans une nouvelle usine qu'il fit construire près de la gare de chemins de fer. Le nouvel établissement fut inauguré en mai 1965.

         En 1965, la production passait à 4500 tonnes.

         En 1966, elle atteignait 6600 tonnes.

         En 1967, la prévision est de 8000 tonnes de farine animale.

     Les broyeurs réduisent en farine, puis le mélangeur réalise le mélange intime du produit. Si cet aliment doit être consommé en farine, il est immédiatement ensaché. Mais 70 % des aliments sont vendus en "granulés" et ce sont les presses qui vont agglomérer la farine pour présenter l'aliment sous forme "granulée". 40 à 50 matières premières sont nécessaires à la fabrication de formules d'aliments.

 L'aide technique est assurée par la S.A.R.B. : Société d'Alimentation et de Recherches Biologiques, dont le siège est à Lyon.

      En additionnant les deux activités des Ets Canard et Compagnie, on arrive au tonnage global d'utilisation de 40 à 50 tonnes de matières premières par jour, soit près de 13000 à 14000 tonnes par an.

     L'ensemble du personnel employé : fabrication, livraison, administration, commercial dépasse légèrement 30 personnes.


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Généalogie

Source : Généanet


Extrait du bulletin Municipal n°9 Avril 1988